Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les trois nous ne serions jamais pour vous qu’une seule âme ?

— Eh bien ! j’ai qu’en vous regardant je suis charmé et presque épouvanté par une ressemblance. L’autre jour déjà, quand vous avez levé votre voile pour la première fois, ne m’avez-vous pas vu reculer devant vous ? Je retrouvais le même ovale du visage, le même regard, les mêmes sourcils, qu’elle avait coutume de rejoindre par une ligne de henneh. Et encore, cette fois-là, je ne connaissais pas vos cheveux, pareils aux siens, que vous me montrez aujourd’hui, nattés comme elle avait coutume de faire…

Elle répondit d’une voix grave :

— Ressembler à votre Nedjibé, moi !… Ah ! j’en suis aussi troublée que vous, allez !… Si je vous disais, André, que depuis cinq ou six ans c’était mon rêve le plus cher…

Ils se regardaient profondément, muets l’un devant l’autre ; les sourcils de Djénane s’étaient un peu relevés, comme pour laisser les yeux s’ouvrir plus larges, et il voyait luire ses prunelles couleur de mer sombre, — tandis que les deux autres jeunes femmes, dans ce harem où commençait hâtivement le crépuscule, se tenaient à l’écart, respectant cette confrontation mélancolique.

— Restez comme vous êtes là, ne bougez pas, André, dit-elle tout à coup. Et vous deux, venez