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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/310

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regarder, notre ami; placé et éclairé comme il est, on lui donnerait à peine trente ans ? »

Lui, alors, qui avait tout à fait oublié son âge, ainsi qu’il lui arrivait parfois, et qui se faisait à ce moment lillusion dêtre réellement jeune, reçut un coup cruel, se rappela qu’il avait commencé de redescendre la vie, et que c’est la seule pente inexorable quaucune énergie na jamais remontée. Quest-ce que je fais, se demanda-t-il, auprès de ces étranges petites qui sont la jeunesse même ? Si innocente quelle puisse être, laventure où elles mont jeté, ce nest plus une aventure pour moi…."

Il les quitta plus froidement peut-être que dhabitude, pour sen aller, si seul, par la ville immense où baissait le jour dautomne. Il avait à traverser combien de quartiers différents, combien de foules différentes, et des rues qui montaient, et des rues qui redescendaient, et tout un bras de mer, avant de regagner, sur la hauteur de Péra, son logis de hasard qui lui parut plus détestable et plus vide que jamais, à la nuit tombante….

Et puis, pourquoi pas de feu chez lui, pas de lumière ? Il demanda ses domestiques turcs, chargés de ce soin. Son valet de chambre français, qui sempressait pour les suppléer, arriva levant les bras au ciel:

« Tous partis, faire la fête ! C’est le carnaval des Turcs,