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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/31

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tapis d’Asie. Ayant aperçu la jeune fille là-haut, ils lui adressèrent, après des petits clignements d’œil pleins de sous-entendus, un bonjour à la fois familier et respectueux, qu’elle s’efforça de rendre avec un gai sourire, nullement effarouchée de leurs regards.—Mais tout à coup elle se retira avec épouvante, à cause d’un jeune paysan à moustache blonde, venu pour apporter des mannes de fleurs, qui avait presque entrevu son visage…

La lettre ! Elle avait entre les mains une lettre d’André Lhéry, une vraie. Pour le moment cela primait tout. La précédente semaine, elle avait commis l’énorme coup de tête de lui écrire, déséquilibrée qu’elle se sentait par la terreur de ce mariage, fixé à demain. Quatre pages d’innocentes confidences, qui lui avaient semblé, à elle, des choses terribles, et, pour finir, la prière, la supplication de répondre tout de suite, poste restante, à un nom d’emprunt. Sur l’heure, par crainte d’hésiter en réfléchissant, elle avait expédié cela, un peu au hasard, faute d’adresse précise, avec la complicité et par l’intermédiaire de son ancienne institutrice (mademoiselle Esther Bonneau, —Bonneau de Saint-Miron, s’il vous plaît, —agrégée de l’Université, officier de l’Instruction publique), celle qui lui avait appris le français, —en y ajoutant même, pour rire, sur la fin de ses cours, un peu d’argot cueilli dans les livres de Gyp.