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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/32

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Et c’était arrivé à destination, ce cri de détresse d’une petite fille, et voici que le romancier avait répondu, avec peut-être une nuance de doute et de badinage, mais gentiment en somme ; une lettre qui pouvait être communiquée aux plus narquoises de ses amies et qui serait pour les rendre jalouses… Alors, tout d’un coup, l’impatience lui vint de la faire lire à ses cousines (pour elle, comme des sœurs), qui avaient déclaré qu’il ne répondait pas. C’était tout près, leur maison, dans le même quartier hautain et solitaire ; elle irait donc en « matinée », sans perdre du temps à faire toilette, et vite elle appela, avec une langueur impérieuse d’enfant qui parle à quelque vieille servante-gâteau, à quelque vieille nourrice : « Dadi ! » (1)—Puis encore, et plus vivement : « Dadi ! » habituée sans doute à ce qu’on fût toujours là, prêt à ses caprices, et, la dadi ne venant pas, elle toucha du doigt une sonnerie électrique.

(1) « Dadi », appellation amicale, usitée pour des vieilles servantes ou esclaves devenues avec le temps comme de la famille.

Enfin parut cette dadi, plus imprévue encore dans une telle chambre que le verset du Coran brodé en lettres d’or au-dessus du lit : visage tout noir, tête enveloppée d’un voile lamé d’argent, esclave éthiopienne s’appelant Kondja-Gul (Bouton de rose). Et la jeune fille se mit à lui parler dans une langue lointaine,