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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/332

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En effet, dans le fond là-bas, où les platanes enchevêtraient leurs énormes ramures dépouillées, tristement grisâtres, cela prenait des allures de forêt prisonnière ; elles devaient pouvoir se promener là-dessous sans être aperçues de personne au monde.

André bénissait le concours d’audaces qui lui permettait de connaître cette demeure, si interdite à ses yeux… Pauvres petites amies de quelques mois, rencontrées sur le tard de sa vie errante, et qu’il allait fatalement quitter pour jamais ! Au moins comme cela, quand il repenserait à elles, le cadre de leur séquestration s’indiquerait précis dans sa mémoire…

Maintenant, c’était l’heure de se retirer, l’heure grave. André avait presque oublié, au milieu d’elles, l’invraisemblance de la situation ; à présent qu’il s’agissait de sortir, le sentiment lui revenait de s’être faufilé tout vif dans une ratière, dont l’issue après son passage se serait rétrécie et hérissée de pointes.

Elles firent plusieurs rondes d’exploration ; tout se présentait bien ; le seul personnage de trop était un certain nègre, du nom de Yousouf, qui gardait avec obstination le grand vestibule. Pour celui-là, il fallait imaginer sur-le-champ une course longue et urgente :

— J’ai trouvé, dit tout à coup Mélek. Rentrez dans votre cachette, André. Nous allons le faire comparaître ici même, ce sera un comble !