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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/34

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qu’elle jeta sur les épaules, et sur la tête comme un capuchon ; noir, le voile épais, retenu au capuchon par des épingles, qu’elle fit retomber jusqu’au bas du visage afin de le dissimuler comme sous une cagoule. Pendant ses allées et venues pour ensevelir ainsi la jeune fille, elle disait des choses en langue asiatique, avec un air de se parler à soi-même ou de se chanter une chanson, des choses enfantines et berceuses, comme ne prenant pas du tout au sérieux la douleur de la petite fiancée :

"Il est blond, il est joli, le jeune bey qui va venir demain chercher ma bonne maîtresse. Dans le beau palais où il va nous emmener toutes les deux, oh ! comme nous serons contentes !

— Tais-toi, dadi, dix fois j’ai défendu qu’on m’en parle ! "

Et, l’instant d’après :

"Dadi, tu étais là, tu as dû entendre sa voix le jour qu’il était venu causer avec mon père. Alors, dis, comment est-elle, la voix du bey ? Douce un peu ?

— Douce comme la musique de ton piano, comme celle que tu fais avec ta main gauche, tu sais, en allant vers le bout où ça finit… Douce comme ça !… Oh ! qu’il est blond et qu’il est joli, le jeune bey.

— Allons, tant mieux ! " interrompit la jeune fille en français, avec l’accent d’une gouaillerie presque tout à fait parisienne.