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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/374

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édéniques, où les jours déclinent, se recueillent et s’apaisent, mais en gardant la splendeur.

Ils redevinrent les habitués des Eaux-Douces d’Asie, et arrangèrent des entrevues à Stamboul dans la maisonnette de Sultan-Selim. Extérieurement, tout se retrouvait pour eux comme pendant l’été de 1904, même le voile noir baissé à demeure sur le visage de Djénane; mais il y avait dans leurs âmes des sentiments nouveaux, des sentiments encore inexprimés, dont on n’était pas tout à fait certain, et qui cependant amenaient parfois au milieu de leurs causeries des silences trop lourds.

Et puis, l’année précédente ils se disaient:« Nous avons un autre été en réserve devant nous. » Tandis que maintenant tout allait finir, puisque André quittait la Turquie en novembre; et constamment ils pensaient à cette séparation prochaine, qui leur apparaissait comme aussi définitive qu’une mise au tombeau.

Étant de vieux amis, ils avaient déjà des souvenirs en commun, et ils formaient des projets pour recommencer avant l’inexorable fin, des choses d’antan, promenades ou pèlerinages faits naguère à eux quatre:« Il faudrait tâcher de revoir ensemble, encore une fois dans la vie, notre petite forêt vierge de l’automne passé, à Béicos… La tombe de Nedjibé, il faudrait y retourner une suprême fois, nous tous… »

Pour André, qui cette année-là éprouvait la petite mort