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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/376

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regarda le petit quai ensoleillé, le long duquel de beaux caïques attendaient, entre autres le sien, qui ce soir le conduirait aux Eaux-Douces…

Les Eaux-Douces !… Encore cinq ou six fois à reparaître là, en Oriental, sur ce ruisseau bordé de verdure, où il exerçait comme une petite royauté éphémère et où les dames voilées reconnaissaient de loin la livrée de ses rameurs. Et beaucoup de jours encore à s’asseoir, au baisser du soleil, sous les platanes géants du Grand-Seigneur, à fumer là des narguilés au milieu d’une paix sans nom, tout en regardant la lente promenade des femmes, des « ombres heureuses », dans les lointains de la prairie élyséenne… Au moins trente ou trente-cinq jours d’été, un répit vraiment acceptable avant la grande fin, qui ne serait tout de même pas immédiate… Les collines d’Asie, ce matin-là, au-dessus de Béicos, étaient entièrement roses sous la floraison des bruyères, mais roses comme des rubans roses. Les maisonnettes des villages turcs qui s’avancent dans l’eau, les grands platanes verts aux branches desquels depuis trois cents ans les pêcheurs suspendent leurs filets, tout cela, et le ciel bleu, se regardait tranquillement dans la glace du Bosphore qui avait sa netteté des inaltérables beaux jours. Et ces choses ensemble paraissaient tellement confiantes dans la durée de l’été, et du calme, et de la vie, et de la jeunesse, qu’André une fois de plus s’y laissa