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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/380

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la prairie toute détrempée, alternent avec ces jours encore chauds et étrangement limpides, où les abeilles bourdonnent sur les scabieuses d’arrière— saison, mais où des buées froides s’exhalent du sol et des bois quand le soir tombe.

Toutes ces feuilles jaunes par terre, André a déjà connu les pareilles, dans cette même vallée, l’an passé ; —et cela attache à un lieu, d’y avoir vu deux fois la chute des feuilles. Il sait donc que ce sera une souffrance de quitter pour jamais ce petit coin pastoral de l’Asie, où il est venu presque chaque jour pendant deux étés radieux. Il sait aussi que cette souffrance, comme tant d’autres déjà éprouvées ailleurs, s’oubliera vite, hélas ! dans les grisailles de plus en plus sombres d’un proche avenir…

Toute l’année, ils s’étaient vus dans l’impossibilité de refaire par ici aucune promenade ensemble, André et ses amies. Mais ils en avaient combiné deux, coûte que coûte, pour le 3 et 5 octobre, les dernières et les suprêmes.

Le but fixé pour celle d’aujourd’hui 3, était la petite forêt vierge découverte par eux en 1904. Et ils se retrouvèrent là tous ensemble, au bord de ce marécage dissimulé comme exprès, dans un recreux de montagne. Ils reprirent leurs places de jadis, sur les mêmes pierres moussues, près de cette eau dormante d’