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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/381

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d’où sortaient des roseaux si grands et de si hautes fougères Osmondes que l’on eût dit une sorte tropicale.

André vit tout de suite qu’elles n’étaient pas comme d’habitude, les pauvres petites, ce soir, mais nerveuses et outrées, chacune à sa manière, Djénane avec une affectation de froideur, Mélek avec violence :

— Maintenant on veut nous remarier toutes, dirent-elles, pour rompre notre trio de révoltées. Et puis nous avons des allures trop indépendantes, à ce qu’il paraît, et il nous faut des maris qui sachent nous mater.

— Quant à moi, précisa Mélek, la chose a été arrêtée en conseil de famille samedi, on a désigné le bourreau, un certain Omar Bey, capitaine de cavalerie, un bellâtre au regard dur, que l’on a cependant daigné me montrer un jour de ma fenêtre ; donc ça ne traînera pas…

Et elle frappait du pied, les yeux détournés, en froissant dans ses doigts toutes les feuilles à sa portée.

Il ne trouva rien à lui dire et regarda les deux autres. À Zeyneb, la plus près de lui, il allait demander : « Et vous ? » Mais il craignait la réponse, qu’il devinait trop bien, le geste doux et navré qu’elle aurait pour lui indiquer sa poitrine. Et c’est à Djénane, comme toujours la seule au voile baissé, qu’il posa la question :

— Et vous ?