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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/39

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décor de tous les jours. Elles suivaient sur cette colline un chemin au pavage en déroute, entre d’anciennes et aristocratiques demeures momifiées derrière leurs grilles, et ce cimetière en pente de Khassim-Pacha, qui laissait apercevoir dans l’intervalle de ses arbres sombres la grande féerie d’en face. Les hirondelles, qui avaient partout des nids sous les balcons grillés et clos, chantaient en délire, les cyprès sentaient bon la résine, le vieux sol empli d’os de morts sentait bon le printemps.

En effet, elles ne rencontrèrent personne dans leur courte sortie, personne qu’un porteur d’eau, en costume oriental, venu pour remplir son outre à une très vieille fontaine de marbre qui était sur le chemin, toute sculptée d’exquises arabesques.

Dans une maison aux fenêtres grillées sévèrement, une maison de pacha, où un grand diable à moustaches, vêtu de rouge et d’or, pistolets à la ceinture, sans souffler mot leur ouvrit le portail, elles prirent en habituées, sans rien dire non plus, l’escalier du harem.

Au premier étage, une vaste pièce blanche, porte ouverte, d’où s’échappaient des voix et des rires de jeunes femmes. On s’amusait à parler français là-dedans, sans doute parce qu’on parlait toilette. Il s’agissait de savoir si certain piquet de roses à un corsage ferait mieux posé comme ceci ou posé comme cela :