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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/40

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"C’est bonnet blanc, blanc bonnet, disait l’une.

— C’est kif-kif bourricot", appuyait une autre, une petite rousse au teint de lait, aux yeux narquois, dont l’institutrice avait fréquenté l’Algérie.

C’était la chambre de ces « cousines », deux sœurs de seize et vingt et un ans, à qui la mariée de demain avait réservé la primeur de sa lettre d’homme célèbre. Pour les deux jeunes filles, deux lits laqués de blanc, chacun ayant son verset arabe brodé en or sur un panneau de velours appliqué au mur. Par terre, d’autres couchages improvisés, matelas et couvertures de satin bleu ou rose, pour quatre jeunes invitées à la fête nuptiale. Sur les chaises (laqué blanc et soie Pompadour à petits bouquets) des toilettes pour grand mariage, à peine arrivées de Paris, s’étalaient fraîches et claires. Désordre des veilles de fête, campement, eût-on dit, campement de petites bohémiennes, mais qui seraient élégantes et très riches. (La règle musulmane interdisant aux femmes de sortir après le crépuscule, c’est devenu entre elles un gentil usage de s’installer ainsi les unes chez les autres, pendant des jours ou même des semaines, à propos de tout et de rien, quelquefois pour se faire une simple visite ; et alors on organise gaiement des dortoirs.) Des voiles d’orientale traînaient aussi çà et là, des parures de fleurs, des bijoux de Lalique. Les grilles en fer, les quadrillages en bois aux fenêtres donnaient