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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/404

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mieux plein de mystère qui, chez les mourants, survient presque toujours. Et elle retrouva un peu de sa voix, que l’on aurait pu croire éteinte pour jamais :

— Venez plus près, dit-elle à l’inconnue, je n’entends pas assez bien… Ne craignez pas que j’aie peur, venez… Lisez plus haut… que je ne perde pas…

Ensuite elle voulut confesser elle-même la foi musulmane et, ouvrant dans la pose de la prière ses petites mains de cire blanche, elle répéta les paroles sacramentelles :

« Il n’y a de Dieu que Dieu seul, et Mahomet est son élu[1]… »

Mais, avant la fin de sa confession, insaisissable comme un souffle, les pauvres mains qui s’étaient tendues venaient de retomber. Alors, celle dont on ne savait pas le nom rouvrit son Coran pour continuer de lire… Oh ! la douceur rythmée, le bercement de ces prières d’Islam, surtout lorsqu’elles sont dites par des lèvres de jeune fille sous un voile épais !… Jusqu-à une heure avancée de la nuit, les pieuses inconnues se succédèrent, entrant et se retirant sans bruit comme des ombres, mais il n’y eut point de cesse dans l’harmonieuse mélopée qui aide à mourir.

Souvent d’autres personnes aussi entraient sur la

  1. « La illahé illallah Mohammedun Ressoulallah. Ech hedu en la illahé illallah vé ech hedu en le Mohammedul alihé hou ve ressoulouhou. »