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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/42

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— De la tante d’Andrinople, je parie, qui t’annonce une parure de brillants ?

— Non.

— De la tante d’Érivan, qui t’envoie une paire de chats angora, pour ton cadeau de noces ?

— Non plus. C’est d’une personne étrangère… C’est… d’un monsieur…

— Un monsieur ! Quelle horreur !… Un monsieur ! Petit monstre que tu es !…

Et, comme elle tendait sa lettre, contente de son effet, deux ou trois jolies têtes blondes, —du blond vrai et du blond faux, —se précipitèrent ensemble pour voir tout de suite la signature.

"André Lhéry !… Non ! Alors il a répondu ?… C’est de lui ?…

Pas possible…"

Tout ce petit monde avait été mis dans la confidence de la lettre écrite au romancier. Chez les femmes turques d’aujourd’hui, il y a une telle solidarité de révolte contre le régime sévère des harems, qu’elles ne se trahissent jamais entre elles ; le manquement fût-il grave, au lieu d’être innocent comme cette fois, ce serait toujours même discrétion, même silence.

On se serra pour lire ensemble, cheveux contre cheveux, y compris mademoiselle Bonneau de Saint-Miron, en se tiraillant le papier. À la troisième phrase, on éclata de rire :

"Oh ! tu as vu !… Il prétend que tu n’es pas Turque !…