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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/445

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ma mort serve au moins à mes sœurs musulmanes ! Jaurais tant voulu leur faire du bien quand je vivais !… Javais caressé ce rêve autrefois, de tenter de les réveiller toues… Oh ! non, dormez, dormez, pauvres âmes. Ne vous avisez jamais que vous avez des ailes !… Mais celles-là qui déjà ont pris leur essor, qui ont entrevu d’autres horizons que celui du harme, oh ! André, je vous les confie ; parlez d’elles et parlez pour elles. Soyez leur défenseur dans le monde où l’on pense. Et que leurs larmes à toutes, que mon angoisse de cette heure, touchent enfin les pauvres aveuglés, qui nous aiment pourtant, mais qui nous oppriment !…"

L’écriture maintenant changeait tout à coup, devenait moins assurée, presque tremblante :

« Il est trois heures du matin et je reprends ma lettre. J’ai pleuré, tant pleuré, que je n’y vois plus bien. Oh ! André ! André ! est-ce donc possible d’être jeune, d’aimer, et cependant d’être poussée à la mort ? Oh ! quelque chose me serre à la gorge et m’étouffe… J’avais le droit de vivre et d’être heureuse… Un rêve de vie et de lumière plane encore autour de moi… Mais demain, le soleil de demain, c’est le maître qu’on m’impose, ce sont ses bras qui vont m’enlacer… Et où sont-ils, les bras que j’aurais aimés… »

Un intervalle, témoignant d’un autre temps d’arrêt : l’hésitation suprême sans doute et puis l’accomplissement de l’acte irrévocable. Et la lettre, pour quelques secondes encore, reprenait sa tranquillité harmonieuse. Mais cette tranquillité-là donnait le frisson…

« C’est fini, il ne fallait qu’un peu de courage. Le petit