Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sentences du Coran.—Il est vrai, il y a aussi un trône, qui surprendrait à Paris : son trône de mariage, très pompeux, surélevé par une estrade à deux ou trois marches, et couronné d’un baldaquin d’où retombent des rideaux de satin bleu, magnifiquement brodés de grappes de fleurs en argent.—Pour tout dire, il y a bien encore la bonne Kondja-Gul, dont l’aspect n’est pas très parisien ; assise près d’une fenêtre, elle chantonne tout bas, tout bas, un air du pays noir.

La mère du bey, la dame 1320 un peu niaise, aux manières de vieille chatte, s’est montrée au fond une créature inoffensive, plutôt bonne, et qui pourrait même être excellente, n’était son idolâtrie aveugle pour son fils. La voici du reste séduite tout à fait par la grâce de sa belle-fille, tellement qu’hier elle est venue d’elle-même lui offrir le piano tant désiré ; vite alors, en voiture fermée, sous l’escorte d’un eunuque, on a passé le pont de la Corne-d’Or, pour aller en choisir un dans le meilleur magasin de Péra, et deux relèves de portefaix, avec des mâts de charge, viennent d’être commandées pour l’apporter demain matin, à l’épaule, dans ce haut quartier d’un accès plutôt difficile.

Quant au jeune bey, l’ennemi, —le plus élégant capitaine de cette armée turque, où il y a tant d’uniformes bien portés, décidément très joli garçon, avec la