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MADAME CHRYSANTHÈME

de loin en loin, par-dessus les jardins sombres, un son de guitare nous vient : quelque danse incompréhensiblement rythmée dont la gaîté est triste.


Voici certain puits entouré de bambous, auprès duquel nous avons l’habitude de faire halte nocturne pour laisser respirer Chrysanthème. Yves me prie de diriger sur lui la lueur rouge de ma lanterne pour le bien reconnaître : c’est qu’il marque pour nous la moitié de la route.

Et enfin, enfin, voici notre logis ! — Porte close ; obscurité et silence profonds. Tous nos panneaux ont été fermés par les soins de M. Sucre et de madame Prune ; la pluie ruisselle sur le bois de nos vieux murs noirs.

Avec un temps pareil, il n’est pas possible de laisser Yves redescendre encore, pour aller rôder le long de la mer, en quête d’un sampan de louage. Non, il ne retournera pas à bord ce soir ; nous allons le faire coucher chez nous. Sa petite chambre a été prévue, du reste, dans les conditions de notre bail, et nous allons la lui fabriquer tout de suite, — bien qu’il refuse, par discrétion. Entrons, déchaussons-nous, secouons-nous bien comme des