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MADAME CHRYSANTHÈME

verte, très éclairée, et on y joue de la guitare. Voici même que j’aperçois la tête d’or de mon Bouddha, entre les petits feux brillants de ses deux veilleuses suspendues. Puis Chrysanthème apparaît aussi, sous la véranda, en silhouette très nipponne, avec ses belles coques de cheveux et ses longues manches retombantes, accoudée comme pour nous attendre.

Quand j’entre, elle vient m’embrasser, d’une manière un peu hésitante, mais gentille, tandis que Oyouki, plus expansive, m’enlace à pleins bras.

Et je le revois sans déplaisir, ce logis japonais dont j’avais presque oublié l’existence, que je m’étonne de retrouver encore mien. Chrysanthème a mis dans nos vases de belles fleurs nouvelles ; comme pour une fête, elle a élargi sa coiffure, pris sa plus belle robe, allumé nos lampes. Ayant vu, de son balcon, sortir la Triomphante, elle espérait bien que nous allions enfin revenir et, ses préparatifs terminés, pour occuper ses heures d’attente, elle étudiait un duo de guitare avec Oyouki. Pas de questions ni de reproches. Au contraire.