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MADAME CHRYSANTHÈME

Puis nous nous couchons nous-mêmes, après les préparatifs de rigueur, la petite pipe fumée, et le pan ! pan ! pan ! pan ! sur le rebord de la boîte.

Mais voici qu’en dormant Yves se démène, se trémousse, envoie des coups de pied dans la cloison, fait un tapage affreux.

Qu’est-ce qu’il peut bien avoir !… Moi, j’imagine qu’il rêve de la vieille femme à ombre de loup. — L’étonnement se peint sur la figure de Chrysanthème, qui s’est dressée sur son coude pour écouter…

Tout à coup, un trait de lumière ; elle a compris ce qui le tourmente :

Ka ! (Les moustiques !) dit-elle.

Et, pour mieux me faire saisir de quelle bête elle veut parler, elle me pince au bras, très fort, du bout de ses petits ongles pointus, tout en imitant, avec un jeu de figure impayable, la grimace de quelqu’un qui se sentirait piqué…

— Oh ! mais, je trouve cette mimique excessive et inutile, Chrysanthème ! — Je connaissais le mot Ka, j’avais parfaitement compris, je t’assure…

C’est fait si drôlement et si vite, avec une moue si réussie, que je n’ai, dans le fond, nulle idée de