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MADAME CHRYSANTÈME

intonations traînantes, mélancoliques, singulières, qu’elles prennent chaque fois qu’il s’agit d’appeler dans le lointain :

— Ohé, mademoiselle la Lu-u-u-u-une !!

— Ohé, madame Jonqui-i-i-i-ille !!

Elles se crient les unes aux autres leurs noms bizarres et les prolongent indéfiniment dans la nuit devenue silencieuse, dans la sonorité qu’a prise l’air humide après cette grande pluie d’été.

Enfin les voilà toutes retrouvées, réunies, ces petites personnes à yeux bridés, dépourvues de cervelle, — et nous remontons à Diou-djen-djî, très mouillés tous.


Pour la troisième fois Yves couche à nos côtés, sous notre tente bleue.

Un grand tapage se fait au-dessous de nous, passé minuit ; ce sont nos propriétaires qui reviennent d’un pèlerinage à un temple lointain de la déesse de la Grâce. (Bien que shintoïste, madame Prune vénère cette divinité qui, dit-on, fut bienveillante à sa jeunesse.) Tout aussitôt, nous voyons monter, comme une fusée, mademoiselle Oyouki, apportant sur un délicieux petit