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MADAME CHRYSANTHÈME

finit lui aussi pour nous, — puisque demain nous courrons au-devant de l’automne, dans le nord chinois. Et je commence à les compter, hélas, les étés de jeunesse que je puis espérer encore ; je me sens devenir plus sombre, chaque fois que l’un d’eux s’enfuit, s’en va retrouver les autres, les disparus, dans l’abîme noir et sans fond où s’entassent les choses passées…


À minuit, nous sommes rentrés au logis, et mon déménagement commence, tandis que, à bord, l’ami d’une légendaire hauteur a la bonté de faire le quart à ma place.

Un déménagement nocturne, rapide, furtif, — « à la manière des dorobo » (des voleurs), fait observer Yves qui a pris, au frottement des mousmés, quelque teinture de langue nipponne.

Messieurs les emballeurs, sur ma prière, ont envoyé dans la soirée plusieurs petites caisses ravissantes, à compartiments, à doubles fonds, et plusieurs sacs en papier (en indéchirable papier japonais) qui se ferment d’eux-mêmes et s’attachent au moyen de liens, également en papier, disposés à l’avance d’une manière ingénieuse ; tout ce qu’il