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MADAME CHRYSANTHÈME

qui ne passera pas, à qui ne s’assoira pas, et des compliments infinis se marmottent à voix basse, la figure contre le parquet.

Elles s’asseyent pourtant, en un cercle cérémonieux et souriant à la fois, nous deux restant debout les yeux fixés sur l’escalier. Et enfin émerge à son tour le petit piquet de fleurs d’argent, le chignon d’ébène, la robe gris perle et la ceinture mauve… de mademoiselle Jasmin ma fiancée !!…

Ah ! mon Dieu, mais je la connaissais déjà ! Bien avant de venir au Japon, je l’avais vue, sur tous les éventails, au fond de toutes les tasses à thé — avec son air bébête, son minois bouffi, — ses petits yeux percés à la vrille au-dessus de ces deux solitudes, blanches et roses jusqu’à la plus extrême invraisemblance, qui sont ses joues.

Elle est jeune, c’est tout ce que je lui accorde ; elle l’est tellement même que je me ferais presque un scrupule de la prendre. L’envie de rire me quitte tout à fait et je me sens au cœur un froid plus profond. Partager une heure de ma vie avec cette petite créature, jamais !…

Elle s’avance souriante, d’un air contenu de triomphe, et M. Kangourou paraît derrière elle,