Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/121

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— Dites-lui que je jure de veiller sur lui toute ma vie, comme s’il était mon frère.

Et la jeune fille répéta, traduisant lentement en breton :

— Il jure de veiller sur lui toute sa vie, comme s’il était son frère.

Elle s’était levée, la vieille mère, toujours droite, et rude, et brusque ; elle avait pris au mur une image du christ, et s’était avancée vers moi, en me parlant comme pour me prendre au mot, là, avec une naïveté, une indiscrétion sauvages.

— C’est là-dessus, monsieur, qu’elle vous demande de jurer.

— Non, ma mère, non, dit Yves tout confus, qui essayait de s’interposer, de l’arrêter.

Moi, j’étendis le bras vers cette image du Christ, un peu surpris, un peu ému peut-être, et je répétai :

— Je jure de faire ce que je viens de dire.

Seulement mon bras tremblait légèrement, parce que je pressentais que l’engagement serait grave dans l’avenir.

Et puis je pris la main d’Yves, qui baissait la tête, rêveur :