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clocher à jour de Saint-Pol-de-Léon, que j’avais donnée à Yves du temps où nous naviguions ensemble sur la mer brumeuse.

Par terre, les planches sont nettes comme du bois neuf :

— Vous voyez, frère, c’est tout blanc comme à bord, dit Yves, qui a lui-même blanchi partout avec tant de soin, et qui se déchausse chaque fois qu’il monte pour ne pas salir ses escaliers.

Il faut tout voir, tout visiter, même le grenier à lucarne, où sont rangées les pommes de terre et les cosses de bois pour l’hiver ; même le vestibule de l’escalier, où est suspendu, comme un ex-voto de marin dans une chapelle de la vierge, le bateau en miniature qu’Yves a construit pendant ses loisirs dans sa hune du Primauguet ; et puis le jardin où des fraisiers et de petites salades commencent à pousser le long des allées toutes fraîches.

Maintenant nous sommes à table, Yves, Marie, la petite Corentine, le petit Pierre et moi, autour de la nappe bien blanche sur laquelle le dîner est posé. Yves, mon frère Yves, se trouve drôle et s’intimide tout à coup dans son rôle de maître de maison. Alors c’est moi qui suis obligé de découper, et,