Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/71

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En bas, dans la cour, nous trouvâmes bien tout comme il l’avait annoncé, le puits à gauche, le grand arbre et l’écurie. Et Yves me dit avec une sorte d’émotion de frayeur, en se découvrant comme sur un tombeau :

— Maintenant, je revois très bien la figure de mon père !

Il était grand temps de partir, et la diligence nous attendait.

Tout le temps que nous mîmes à traverser la lande couleur d’or, pendant le long crépuscule de mai, nos yeux se fixèrent sur le clocher à jour qui s’éloignait, qui se perdait là-bas au fond de l’obscurité limpide. Nous lui faisions nos adieux ; car nous allions partir le lendemain pour des mers très lointaines, où il ne pourrait plus nous voir passer.

— Demain matin, disait Yves, il faudra que vous me permettiez d’entrer de bonne heure dans votre chambre, à bord, pour écrire sur votre bureau. Je voudrais raconter tout cela à ma mère avant de partir de France. Et, tenez, je suis sûr que les larmes lui viendront dans les yeux quand on lui lira ma lettre.