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XI

Juin 1875.

… C’était par le vingtième parallèle de latitude, dans la région des alizés, un matin vers six heures ; sur le pont d’un navire qui était là tout seul au milieu du bleu immense, un groupe de jeunes hommes se tenait, le torse nu, au soleil levant.

C’était la bande d’Yves, les gabiers de misaine et ceux du beaupré.

Ayant tous attaché sur leurs épaules leur mouchoir, qu’ils venaient de laver, ils restaient gravement le dos au soleil pour le faire sécher. Leur figure brune, leur rire, avaient encore une grâce jeune d’enfant ; leur dandinement, la façon souple et moelleuse dont ils posaient leurs pieds nus, avaient quelque chose du chat.

Et, tous les matins, à cette même heure, à ce même soleil, dans ce même costume, ce groupe se tenait sur ces mêmes planches qui les promenaient, insouciants, au milieu des infinis de la mer.

Ce matin-là, ils discutaient sur la lune, sur son