Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/148

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matin de cette fête, les rues étant déjà tendues de blanc, ornées de guirlandes vertes, une mauvaise pluie s’était mise à tomber à torrents, chassée de l’ouest par une brise gémissante ; sur Paimpol, on n’avait jamais vu le ciel si noir. « Allons, ceux de Ploubazlanec ne viendront pas », avaient dit tristement les filles qui avaient leurs amoureux de ce côté-là. Et, en effet, ils n’étaient pas venus, ou bien s’étaient vite enfermés à boire. Pas de procession, pas de promenade, et elle, le cœur plus serré que de coutume, était restée derrière ses vitres toute la soirée, écoutant ruisseler l’eau des toits et monter du fond des cabarets les chants bruyants des pêcheurs.

Depuis quelques jours, elle avait prévu cette visite d’Yann, se doutant bien que, pour cette affaire de vente de barque non encore réglée, le père Gaos, qui n’aimait pas venir à Paimpol, enverrait son fils. Alors elle s’était promis qu’elle irait à lui, ce que les filles ne font pas d’ordinaire, qu’elle lui parlerait pour en avoir le cœur net. Elle lui reprocherait de l’avoir troublée, puis abandonnée, à la manière des garçons qui n’ont pas d’honneur. Entêtement, sauvagerie, attachement