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LE ROMAN D’UN ENFANT

Ce matin-là donc, j’eus de la joie à mon réveil, et je me levai de bonne heure, ne pouvant tenir en paix dans mon lit, empressé d’aller courir, me demandant même par où j’allais commencer ma journée d’arrivée.

Tous les recoins du village à revoir, et les remparts gothiques, et la délicieuse rivière. Et le jardin de mon oncle où, depuis l’an passé, les plus improbables papillons avaient pu élire domicile. Et des visites à faire, dans de vieilles maisons curieuses, à toutes les bonnes femmes du voisinage — qui l’été dernier m’avaient comblé, comme par redevance, des plus délicieux raisins de leurs vignes ; — une certaine madame Jeanne surtout, vieille paysanne riche, qui s’était prise d’adoration pour moi, qui faisait toutes mes volontés, et qui, chaque fois qu’elle passait, revenant du lavoir comme Nausicaa, roulait d’impayables regards en coulisse du côté de la maison de mon oncle, à mon intention… Et les vignes et les bois d’alentour, et tous les sentiers de montagnes, et Castelnau là-bas, dressant ses tours crénelées sur son piédestal de châtaigniers et de chênes, m’appelant dans ses ruines !… Où courir d’abord, et comment se lasser d’un tel pays !

La mer, où du reste on ne me conduisait presque