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LE ROMAN D’UN ENFANT

cette chère maison presque vide et devenue silencieuse comme un tombeau, — pendant ces années-là, je me suis plus d’une fois senti serrer le cœur à la pensée que le foyer déserté, que les choses familières à mon enfance se délabraient sans doute à l’abandon ; et je me suis inquiété par-dessus tout de savoir si la main du temps, si la pluie des hivers, n’allaient pas me détruire la voûte frêle de cette grotte ; c’est étrange à dire, mais s’il y avait eu éboulement de ces vieux petits rochers moussus, j’aurais éprouvé presque l’impression d’une lézarde irréparable dans ma propre vie.

À côté de ce bassin, un vieux mur grisâtre fait, lui aussi, partie intégrante de ce que j’ai appelé ma sainte Mecque ; il en est, je crois, le cœur même. J’en connais du reste les moindres détails : les imperceptibles lichens qui y poussent, les trous que le temps y a creusés et où des araignées habitent ; — c’est qu’un berceau de lierre et de chèvrefeuille y est adossé, à l’ombre duquel je m’installais jadis pour faire mes devoirs, aux plus beaux jours des étés, et alors, pendant mes flâneries d’écolier peu studieux, ses pierres grises occupaient toute mon attention, avec leur infiniment petit monde d’insectes et de mousses. Non seulement je l’aime et le vénère, ce vieux mur, comme les Arabes leur plus sainte mos-