Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/30

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surtout depuis les trois derniers, dans ce petit sentier que nous suivons, loin, très loin de la grande route antique par où passaient les Vertueux ?

L’opprobre autrefois frappait les femmes stériles : aujourd’hui, il s’attache aux femmes amoureuses. Cette réversion de la conscience, cette confusion de la morale saine et de je ne sais quelle aberration, cette déchéance coïncide avec le triomphe du christianisme. Y a-t-il là plus qu’une coïncidence ?

Lisons l’Évangile :

Jésus parle à la Samaritaine et il ne lui reproche pas sa vie déréglée.

Il parle à la femme adultère et il refuse de la condamner.

Il va chez Marthe et Marie et il préfère ouvertement à la grave servante la verseuse de parfums.

Il s’entoure de belles pécheresses et il ne les absout pas seulement, il les excuse : ὰφέωυτφι[1]. Bien plus : il accepte d’elles des subsides[2].

Nulle part, dans les quatre Évangiles, on ne trouve un mot flétrissant la nudité humaine selon

  1. Ce verbe n’est pas celui de l’absolution, ni du pardon ; c’est celui qu’on employait juridiquement dans le cas des ordonnances de non-lieu. Ceux à qui on l’appliquait étaient non-coupables. La phrase du Christ ne signifie donc pas : « Tes péchés te sont remis » ; mais : « Tu n’as pas péché, car tu as aimé ».
  2. « Et elles l’assistaient de leurs biens. » (Saint Luc, VIII, 3.)