Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/82

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Mais une enfant de douze ans ! À quoi peut-elle comparer les premières voluptés de son corps si ce n’est aux premières joies matérielles et simples qu’elle a pu goûter ? Dira-t-elle que le désir est plus amer que le regret ? non, mais « doux comme le miel » parce qu’elle est à l’âge où l’on aime le miel, et parce que la douceur des lèvres sur les lèvres, sensualité mal connue d’elle encore, ne lui rappelle guère que sa gourmandise.

Et voilà pourquoi le Cantique des Cantiques chante ainsi le bonheur d’aimer : « Il y a, sous ta langue, du miel et du lait[1]. » Voilà comment, dans la plupart des poèmes arabes que l’on va lire, les métaphores même les plus complexes ne quitteront jamais le champ des réalités pour celui des abstractions. Ce n’est point que les poètes orientaux ne puissent briser le cercle des images visuelles ; c’est que, lorsqu’ils parlent d’amour, ils doivent se refaire une âme d’enfant, par la nécessité même du sujet.

  1. Cantique des Cantiques, IV, ii.