Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/16

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humaine, entre Corinthe et Alexandrie, entre Syracuse et Milet, ne nous laisse, ni un poète, ni un peintre, ni un philosophe, ni un historien, ni un savant, à peine le renom populaire d’une sorte de Bobillot qui se fit tuer avec trois cents hommes dans un défilé de montagnes sans même réussir à vaincre. Et c’est pour cela qu’après deux mille années, mesurant le néant de la vertu spartiate, nous pouvons, selon l’exhortation de Renan, « maudire le sol où fut cette maîtresse d’erreurs sombres, et l’insulter parce qu’elle n’est plus ».

Verrons-nous jamais revenir les jours d’Ephêse et de Cyrêne ? Hélas ! le monde moderne succombe sous un envahissement de laideur. Les civilisations remontent vers le Nord, entrent dans la brume, dans le froid, dans la boue. Quelle nuit ! un peuple vêtu de noir circule dans les rues infectes. À quoi pense-t-il ? on ne sait plus ; mais nos vingt-cinq ans frissonnent d’être exilés chez ces vieillards.

Du moins, qu’il soit permis à ceux qui regretteront pour jamais de n’avoir pas connu cette jeunesse enivrée de la terre, que nous appelons la vie antique, qu’il leur soit permis de revivre, par une illusion féconde, au temps où la nudité humaine, la forme la plus parfaite que nous puissions connaître et même concevoir puisque nous la croyons à l’image de Dieu, pouvait se dévoiler sous les traits