Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/126

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chambre à deux lits : circonstance funeste qui les égare. Désormais, dans la suite du voyage, ils ne s’inscrivent plus sur les registres comme « monsieur et mademoiselle », mais comme « monsieur et madame », afin de conserver partout leur liberté d’appartement. Jusqu’à cet endroit du récit, rien d’extraordinaire, n’est-ce pas ?

Il y eut des exclamations.

— Au retour, continua l’abbé de Couézy imperturbable, la situation se maintient, plus dissimulée sans doute (car la jeune fille a encore sa mère), mais jamais interrompue. Sous prétexte de longues promenades côte à côte, les coupables vont cacher leurs erreurs dans un appartement loué. Je passe, bien entendu, sur le détail de ces fautes, encore que la pénitente ne m’ait fait grâce d’aucune explication. Mais, tout à coup, le père meurt… Pendant les deux années qui suivent, la santé morale de la jeune fille s’altère gravement. Ses sens, éveillés à l’extrême, se contiennent mal sous la surveillance maternelle. Plusieurs mariages projetés échouent. Des troubles nerveux interviennent, accompagnés et suivis de souffrances. Une nuit, incapable de résister davantage à la tentation du péché, elle se lève, pénètre dans la chambre de son jeune frère qui a quatorze ans, et, sans ruse, sans prétexte, muette et folle, le prend dans son lit. Elle m’a conté cette terrible scène dont elle avait encore la violence dans la voix,