Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/135

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Puis, sans autre préambule, sa voix sèche articula :

— Veuillez me permettre de vous déshabiller.

— De nous… de nous… bégaya Madeleine.

Elle n’acheva pas. La vieille dame avait déjà décroché la boucle du manteau, retiré les épingles de la ceinture et fait glisser la jupe autour du premier jupon. Avec la même dextérité ses doigts minces firent sauter les agrafes du corsage et les épaulettes filèrent le long des faibles bras poudrés.

— Vous aussi, mademoiselle, reprit la même voix sèche.

Déjà pâle, Armande blêmit. Elle jeta un regard désespéré vers sa sœur qui venait de se jeter sur un canapé, secouée des pieds à la tête par une convulsion nerveuse. Sans défense, ni force, ni courage, elle s’abandonna comme une morte aux mains qui la dépouillaient. La vieille dame prit les deux robes sur son bras gauche, sortit vivement et, par derrière, referma la porte à clef.

La jeune fille était restée debout. Elle tomba sur les genoux devant un fauteuil, sanglotante, et se mit à prier. Elle priait presque à voix haute en pleurant dans ses mains jointes, avec une ferveur épouvantée, balbutiante et lamentable. Elle invoqua les trois saints qui l’avaient toujours protégée, promit à l’un des cierges, à l’autre des aumônes, au troisième un vase d’autel acheté chez un bon orfèvre. Elle jura de faire une neuvaine, d’ob-