Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/185

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chez les mourants la vision de l’éternel Léthé… Mais la mort par cet homme, oh ! c’était pire que tout !

Elle ne cria pas.

Dans un effort de tout son être, et se souvenant qu’il ne fallait pas contrarier les insensés, elle exhala quelques phrases, à peine articulées par sa langue sèche et froide :

— Oui, tu es le roi d’Égypte… tu es couvert de bandelettes… Mais il n’est pas digne de toi, seigneur, de t’arrêter chez ta servante… Veux-tu que je te montre la route ?… Tes reines, plus belles que des femmes, chantent aux portes du jardin.

Le fou bondit :

— Roi ! roi ! billevesée ! Roi ! Qui a dit que j’étais roi ? Est-ce que je ressemble à un homme ? Ne voit-on pas que je suis dieu ? Et comment serais-je entré ici, pauvre sotte, si je n’étais pas dieu ? La porte est fermée, je te l’ai dit, la barre est dans les crochets. Je ne suis pas entré par la porte. Je suis l’émanation de cette amphore noire. Je suis Bakkhos ! Bakkhos ! Bakkhos !

Il campa sur sa tête la couronne de roses et se mit à danser avec frénésie.

Insensiblement, Néphélis se glissait le long de la muraille, essayait de gagner l’endroit où elle pourrait s’enfuir. Le fou ne la voyait plus, il tournait sur lui-même en s’étourdissant dans