Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/22

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montrer à nous, simples enfants nés trop tard pour entendre les voix héroïques ; et, pressentant les jours prochains où personne ne le verrait plus, nous cherchions en silence les invisibles liens qui l’unissaient à son œuvre éclatante. Ce front avait conçu, ce pouce avait modelé, dans l’argile de l’ébauche, une frise et douze statues pour le tombeau de Mausole, les cinq colosses dressés devant la ville de Rhodes, le Taureau de Pasiphaé qui fait rêver les yeux des femmes, le formidable Apollon de bronze et le Séleucos Triomphant de la nouvelle capitale… Plus je contemplais leur auteur, et plus il me paraissait que les dieux avaient dû façonner de leurs mains ce sculpteur de la lumière, avant de descendre jusqu’à lui pour qu’il les révélât aux hommes.

Tout à coup, un pas de course, un sifflet, un cri de gaieté : le petit Ophélion bondit entre nous.

— Bryaxis ! fit-il. Écoute ce que toute la ville sait déjà. Si je suis le premier à te l’apprendre, je déposerai une fève devant l’Artémis… Mais d’abord, salut ! J’avais oublié.

Vite, il nous fit du coin de l’œil un clignement qui pouvait passer aussi pour un salut, à moins que cela ne voulût dire : préparez-vous bien. Et aussitôt, il commença :

— Tu savais, mon bon vieux, que Clésidès faisait le portrait de la reine ?

— On m’en avait parlé.