Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/23

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— Mais la fin de l’histoire, on te l’a dite aussi ?

— Il y a donc une histoire ?

— S’il y en a une ! Tu ne sais rien ! Clésidès était venu tout exprès d’Athènes, il y a huit jours. On l’amène au palais, la reine n’était pas prête ; elle se permettait d’être en retard. Enfin elle se montre, salue à peine son peintre, et pose… si l’on peut appeler cela poser. Il paraît qu’elle remuait tout le temps, sous prétexte que l’amour lui avait donné des crampes. Clésidès dessinait tant bien que mal, au vol des gestes, et de très méchante humeur, comme tu peux l’imaginer. Son esquisse même n’était pas faite, quand voici la reine qui se retourne et déclare qu’elle veut poser de dos !

— Sans raison ?

— Parce que son dos, disait-elle, est aussi parfait que le reste et doit figurer dans le tableau. Clésidès a beau protester qu’il est peintre et non statuaire, qu’on ne tourne pas derrière un panneau et qu’on ne peut dessiner une femme vue de tous les côtés sur la même planche, elle répond que c’est sa volonté, que les lois de l’art ne sont pas les siennes, qu’elle a vu le portrait de sa sœur en Perséphone, de sa mère en Dêmêtêr, et qu’elle, Stratonice, à elle toute seule, posera pour les trois Grâces.

— Ce n’est pas bête, dit Bryaxis.

Notre camarade s’offusqua.

— Pourtant si Clésidès avait répondu non ? Il