Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/326

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Elle but la moitié de la coupe, puis, soit qu’elle eût vu faire ce geste au théâtre, dans le Thyestès d’Agathon, soit qu’il fût vraiment issu d’un sentiment spontané, elle tendit le reste à Démétrios… Mais le jeune homme déclina de la main cette proposition indiscrète.

Alors la Galiléenne prit la fin du breuvage jusqu’à la purée verte qui demeura au fond. Et il lui vint aux joues un sourire déchirant où il y avait bien un peu de mépris.


« Que faut-il faire ? dit-elle au geôlier.

— Promène-toi dans la chambre, ma fille, jusqu’à ce que tu sentes tes jambes lourdes. Alors tu te coucheras sur le dos, et le poison agira tout seul. »

Chrysis marcha jusqu’à la fenêtre, appuya sa main sur le mur, sa tempe sur sa main, et jeta vers l’aurore violette un dernier regard de jeunesse perdue.

L’orient était noyé dans un lac de couleur. Une longue bande livide comme une feuille d’eau enveloppait l’horizon d’une ceinture olivâtre. Au-dessus, plusieurs teintes naissaient l’une de l’autre, nappes liquides de ciel glauque, irisé, ou lilas, qui se fondaient in-