Aller au contenu

Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 4 —

— Comment, lui dit-elle, vous avez des idées semblables le jour que nous survient si grand malheur.

— Tout doux ! Calmez-vous, chère âme de mon cœur, calmez-vous et veuillez m’écouter. C’est justement pour réparer le grand dommage qui nous est causé que ce soir je viens vers vous.

— Oui da ! Je ne vois pas que cela nous apporte réparation.

— Réfléchissez un peu, et vous vous rendrez compte que je parle avec bon sens. Cette couronne qui nous échappe il nous la faut faire revenir à quelqu’un de notre lignée. Le roi qui vient de naître grandira, et dans vingt ans d’ici, on lui cherchera une épouse de sang princier. Or, si nous avons alors une fille, il sera tout naturel qu’elle devienne reine de Sigourie.

— Une fille ?

— Mais jusqu’ici le ciel ne nous a point accordé cette faveur. Aidons le ciel et peut-être nous aidera-t-il. Vous n’ignorez point, tendre moitié de moi-même, comment on doit aider le ciel en cette circonstance et préparer la voie à une future reine. C’est pourquoi je vous ai fait dire de m’accueillir ce soir. Je veux que nous besognions pour donner une fiancée à notre jeune sire Benoni XIV… En outre, je ne vous cacherai point que le dîner de gala donné en l’honneur du nouveau roi m’a mis de fort amoureuse humeur, qu’outre les mets succulents qu’on nous y servit et les vins généreux qu’on nous y versa, je ne me lassai pas de vous admirer, car vous y brillâtes d’un vif éclat et fûtes sans contredit la plus belle des gentes et nobles dames qui assistaient à ce repas royal… tant que je vous dévorai des yeux et que, vous admirant, j’étais fier de me dire l’époux d’une aussi belle princesse…

Concevez donc que je me sens rempli ce soir d’une ardeur sans égale et que jamais je ne fus dans si bonnes dispositions pour planter avec vous le rosier dont la rose sera, si Dieu le veut, la princesse que nous donnerons comme épouse au roi venu ce jour au monde…

Les compliments de son mari avaient agréablement flatté la duchesse Sigeberte, qui répondit :

— Vos raisons, je le confesse, sont de celles qui convainquent, et je me rends à vos arguments.

— Rendez-vous donc aussi à ceux que je vous présente maintenant, car si vous fûtes belle durant les cérémonies de la journée, vous l’êtes mille fois plus telle que je vous vois à présent, ainsi dévêtue et me donnant à admirer des charmes secrets qui ne se dévoilent que pour moi seul… Ô Sigeberte, quand même la gloire de notre maison ne serait pas en cause, je ne pourrais cette nuit me passer de votre amour.