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Page:Louis Bethléem - La littérature ennemie de la famille, Librairie Bloud & Gay, 1923.djvu/85

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Anatole France — lui-même ! — a formulé sur ce sujet, à propos d’un livre d’Abel Hermant, une profession de foi sans ambiguïté. La voici :

« Ce serait me flatter, sans doute, que de croire que l’honorable colonel du 12e chasseurs s’inspirait de ces idées, quand il rédigea l’ordre du jour par lequel il interdisait à ses hommes la lecture du Cavalier Miserey.

« En ordonnant que tout exemplaire saisi au quartier fût brûlé sur le fumier, le chef du régiment avait d’autres raisons que les miennes, et je me hâte de dire que ses raisons étaient infiniment meilleures. Je les tiens pour excellentes : c’étaient des raisons militaires.

« On veut l’indépendance de l’art. Je la veux aussi : j’en suis jaloux. Il faut que l’écrivain puisse tout dire ; mais il ne saurait lui être permis de tout dire

    couragement à l’action ou à la pensée, pour les hommes qui m’entourent et même, si j’en suis digne, pour la postérité, je n’écrirais pas. Ecrire un livre est tout de même autre chose que de jouer aux billes !
    « Et si ce que j’ai écrit, en y mettant toute ma conscience et ce que la nature m’a prêté d’art pour le faire valoir, semble répréhensible à la morale de mon temps, à l’ordre social et politique de mon pays, je ne me plaindrai pas d’en être châtié. L’avenir dira si j’ai été un martyr, un imbécile, ou un saligaud. Il jugera mes juges, mais je ne récuse pas mes juges ».