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SUR LES DÉCOUVERTES GÉOGRAPHIQUES.

pour leur commerce jusqu’aux royaumes de Fou-nan, de Ji-nan, de Kiao-tchi, c’est-à-dire dans la partie supérieure de l’Indo-Chine, et que les rois de l’Inde envoyaient leurs tributs et leurs ambassades « en dehors de la frontière du Ji-nan ». C’est également cette route que semble avoir suivie en 166 l’ambassade d’Antonin[1].

En 227, les historiens chinois mentionnent encore la venue d’un Romain nommé Lun dans le Kiao-tchi (Tong-king) ; de là il se serait rendu à la cour du roi d’Ou (Chine méridionale). C’est vers la même date qu’il est parlé pour la première fois des relations maritimes du puissant royaume de Fou-nan avec l’Inde.

Cependant les routes du Nord de l’Himalaya paraissent avoir été encore les plus en faveur jusqu’à la chute de l’empire romain, soit que les guerres qui ont de tout temps désolé le Nord de l’Indo-Chine fussent un obstacle invincible à l’établissement par cette voie de relations commerciales régulières ; soit que la production de la soie, qui était le principal objectif des caravanes romaines, fût restée localisée sur les bords du fleuve Jaune et qu’il y eût par conséquent avantage à passer par la vallée du Iaxartes (Syr Deria de nos jours) pour s’y rendre. À l’époque de Constantin, ce commerce devint même assez actif ; mais rien ne permet de supposer qu’en dehors de ces communications continentales il existât une intercourse maritime entre la Chine et l’Occident et que les côtes de la péninsule indo-chinoise aient été dès ce moment reconnues et visitées par les navigateurs romains.

Les relations par mer de l’Inde et de l’Égypte remontent, il est vrai, à 72 ans avant notre ère : longtemps limitées à un long et timide cabotage le long des côtes de l’Arabie et du golfe Persique, elles prirent un plus grand essor, lorsque, à la suite d’Hippalus, au milieu du premier siècle de notre ère, les navires osèrent s’abandonner à la mousson favorable pour traverser en ligne droite le golfe d’Oman et se rendre directement de l’entrée de la mer Rouge aux embouchures de l’Indus ; mais cette navigation, destinée surtout à rattacher l’Égypte au mouvement commercial de l’Asie, ne paraît pas s’être étendue sur les côtes de l’Inde beaucoup au delà du golfe de Cambaïe[2].

Il en est de même du commerce maritime de la Chine avec l’Inde, dont Ceylan et les embouchures du Godavery ont été de bonne heure l’entrepôt : les jonques chinoises,

  1. Je sais que je me trouve ici en désaccord avec plusieurs orientalistes qui admettent que les envoyés de Marc-Aurèle débarquèrent à Canton, qu’ils assimilent au Cattigara de Ptolémée. Je ne fais pas remonter aussi haut, comme on le verra, la navigation des Occidentaux dans les mers de Chine, et le texte chinois du Pien-i-tien, qui dit que l’ambassade passa « par la frontière extérieure du Ji-nan », est contraire à l’hypothèse de ces orientalistes. Il y aurait du reste bien d’autres objections à leur opposer. Je me contenterai de rappeler que Gosselin, dont l’autorité est grande en ces matières, place Cattigara sur les côtes occidentales de la presqu’île de Malaca, à l’embouchure de la rivière de Ténasserim.
  2. Cette assertion paraîtra sans doute bien hasardée. — Je crois cependant qu’il serait possible de démontrer que tous les géographes anciens n’ont fait, à partir de ce point, que sur des itinéraires terrestres le tracé des côtes méridionales de l’Asie. Il est inadmissible en effet que la direction générale des côtes de l’Inde, qu’ils n’ont jamais connue, ait pu échapper à des navigateurs : les vents réguliers qui soufflent dans ces parages l’auraient indiquée au besoin. Sans doute de loin en loin quelques caboteurs indigènes, ou des voyageurs étrangers, tels que les ambassadeurs envoyés à l’empereur Claude par le roi de Ceylan, ont pu donner quelques vagues renseignements sur les ports de la presqu’île indienne, mais les communications commerciales avec le Godavery et le Gange étaient surtout continentales. Dans tous les cas les Romains n’ont jamais franchi le détroit de la Sonde, et la Chine ne leur a été connue que par les voyages qui se faisaient au travers de l’Asie.