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pèces : les unes rouges et de petite dimension, les autres grandes et d’une couleur grise ressemblant à des moellons de pierre. Quelques lions ou quelques chiens en grès sculpté gisent çà et là dans les herbes. Ce fut dans ce palais, dont toutes les parties en bois ont été détruites par l’incendie, que fut reçu le lieutenant Mac Leod au mois de mars 1837.

Après quelques pourparlers, le sena s’était décidé à admettre le commandant de Lagrée en sa présence. Cette haute assemblée se compose de quatre grands mandarins et de huit autres d’un rang inférieur, représentant chacun l’une des douze provinces « chip song Panna » qui forment le royaume de Xieng Hong. Les quatre mandarins supérieurs répondent aux principautés que les Lus considèrent comme les portes de leur royaume. Muong La thai est la porte de la Chine ; Muong Khie, celle de la Birmanie ; Muong Long, celle de Xieng Tong, et Muong Phong, celle de Xieng Mai. Les huit autres provinces sont : Muong La (près de Muong Phong), Muong Hou, Muong Houng, Xieng Toung (près de Muong La thai), Muong Ham, Muong Hing, Muong Bang, Muong Iva. Cette liste a d’ailleurs souvent varié ; Muong You en faisait autrefois partie. Le mot panna par lequel on désigne ces provinces signifie millier et se rapporte au nombre des inscrits. On distingue les muongs qui sont panna de ceux qui ne le sont pas. Le chiffre des impôts payés à la Birmanie et à la Chine est assez difficile à préciser. Les renseignements que nous avons recueillis à ce sujet sont peu concordants. Les huit panna les plus importants, Hing, Khie, La, Long Houng, Hou, Xieng Toung et Phong, payaient jadis à la Chine 1000 taels par an ; aujourd’hui ces huit muongs donnent 8 thés en or, 8 thés en argent et des étoffes ; Muong La thai paye trois ticaux en or et trois ticaux en argent[1]. Le sena de Xieng Hong est présidé par le Momtha, appelé aussi par quelques-uns le Chao Xieng Ha, titre équivalant à celui de premier ministre.

Le Momtha était un vieillard à cheveux blancs, au corps replet et à la physionomie placide. Il avait trop d’expérience pour ne pas comprendre à quels inconvénients il s’exposait s’il s’obstinait à refuser le passage à des gens réellement autorisés par le prince Kong à pénétrer en Chine. Le commandant de Lagrée avait encore augmenté sa perplexité en gardant la plus grande réserve sur le but de son voyage et sur les moyens qu’il jugerait à propos d’employer pour faire prévaloir ses désirs. Il s’était contenté de demander aux autorités locales de prendre parti dans le plus bref délai possible entre les deux solutions suivantes : ou lui refuser par écrit d’une façon claire et motivée la continuation de son voyage, et il se chargeait alors de faire de cette pièce tel usage qui lui semblerait bon ; ou lui fournir en quarante-huit heures les moyens de faire route pour Muong La. Des décisions aussi nettes et aussi tranchées étaient peu du goût du sena de Xieng Hong. D’un autre côté, incapable de concevoir qu’un étranger pût se montrer aussi ferme et aussi résolu, sans avoir à sa disposition une force réelle ou être assuré de la part des pays voisins d’un appui sérieux, il n’osait risquer de mécontenter davantage le chef de la Mission française. Celui-ci s’était hautement plaint de l’inconvenance dont on s’était rendu coupable envers lui en l’arrêtant à Muong Long. Les mandarins se trou-

  1. Consultez les renseignements donnés à ce sujet par Mac Leod, p. 81 de son Journal.