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POU-EUL.

du voisinage des salines, on peut prévoir le prochain et entier déboisement de cette jolie contrée. À onze heures du matin, nous aperçûmes la ville de Pou-eul ; elle occupe le centre d’une petite plaine ; comme les jours précédents, nous n’avions rencontré sur notre route que des villages détruits, des rizières abandonnées, des scènes de désolation de tous genres. Ce pays était habité par une population excessivement dense, et avait atteint un degré de prospérité remarquable quand il a été ruiné par l’invasion des Mahométans. La destruction sauvage et implacable à laquelle se sont livrés ces farouches sectateurs du Coran nous navrait de tristesse, et aucun de nous n’avait cru jusque-là que la guerre, même faite par des barbares, pût occasionner de pareils ravages. Qui nous eût dit alors que nous retrouverions dans notre patrie le même spectacle et les mêmes ruines, et qu’en pleine civilisation, nous assisterions aux mêmes crimes que ceux dont nous étions témoins dans le Yun-nan ?


POMPES SUPÉRIEURES.

Nous fûmes logés à Pou-eul dans une pagode située à l’extrémité nord de la ville. Celle-ci est triste et presque entièrement déserte. Les maisons sont loin de remplir l’intérieur de l’enceinte, et il n’y a qu’un très-petit faubourg en avant de la porte du sud. Pou-eul est le siège d’un fou ou préfet chinois, qui étend sa juridiction sur tout l’angle sud-ouest de la province. Cette ville doit son rang administratif à sa position centrale et non à son importance propre. Les villes principales placées sous sa juridiction sont Ouei-yuen, Se-mao et Ta-lan.

Le lettré à bouton bleu qui remplissait à Pou-eul les fonctions de préfet nous pressa de quitter au plus vite une ville qu’il s’attendait à voir retomber sous peu entre les mains des Mahométans. Lui-même ne paraissait y rester que fort à contre-cœur, et il ne prenait d’autres précautions contre l’ennemi que celle de tout disposer pour sa fuite. Il n’y avait