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toute pacifique que nous devons provoquer par tous les moyens possibles, et dont nous ne devons jamais perdre de vue les intérêts et les résultats.

Ouvrir avec l’intérieur de la vallée du Mékong des voies de communication qui puissent suppléer en partie au défaut de navigabilité de ce fleuve[1], exiger la suppression complète et absolue des douanes que le roi du Cambodge, notre protégé, entretient à la frontière de ses états et du Laos ; négocier avec Siam, la suppression de la traite des esclaves en faisant appel au besoin aux principes bien connus de ceux — je veux parler des Anglais, — que nous avons trouvés jusqu’à présent, à Bankok, les adversaires de notre politique (Voy. ci-dessus, p. 222), sont les premiers moyens qui s’offrent à nous pour augmenter les relations commerciales entre le Laos et notre colonie de Cochinchine, pour diminuer les défiances que les Européens ont inspirées jusqu’à présent aux populations laotiennes et sauvages, et favoriser l’émigration des Annamites et des cultivateurs chinois à l’intérieur de la péninsule. Nous trouverons à Bassac et à Attopeu, dans le Laos méridional, ces stations d’une température moyenne, que les colons européens doivent avoir à leur portée dans les pays chauds pour réparer leurs forces (Voy. ci-dessus, p. 184). La concurrence commerciale que les Chinois et les Annamites ne manqueront pas de faire aux mandarins siamois, fournira aux gouverneurs des provinces laotiennes l’occasion naturelle de réclamer contre de honteux monopoles. Ces réclamations, appuyées par l’attitude presque menaçante de populations encore peu résignées au joug, seront écoutées sans aucun doute, si nous les encourageons au nom de nos propres intérêts ; si nous savons faire revivre à propos les prétentions légitimes des Annamites sur le bassin du Se Banghien ; si nous parvenons enfin à ouvrir de ce côté une nouvelle porte à l’émigration cochinchinoise. On se rappelle sans doute que nous avons rencontré une colonie annamite à Lakon et que le fleuve n’est en ce point qu’à trente lieues de la côte.

Nous devons aussi essayer de faire restituer au Cambodge les provinces de Battambang et d’Angcor, en proposant au gouvernement de Bankok leur échange contre les provinces plus septentrionales de Muluprey et de Tonly Repou, dont la prise de possession par les Siamois a été le résultat d’une trahison et n’a été sanctionnée par aucun traité. Nous assurerons ainsi l’écoulement vers Saigon des riches produits du bassin du Grand Lac.

Enfin, l’ouverture par la vallée du Tong-king de relations commerciales avec le sud de la Chine est l’un des résultats les plus importants que la politique française doive chercher à obtenir en Indo-Chine.

Pour arriver à l’émancipation graduelle de cette intéressante contrée, il est nécessaire que notre colonie de Cochinchine, au lieu d’être livrée à des administrateurs de hasard, devienne une sorte d’Inde française, pépinière d’hommes instruits, profondément versés

  1. Se reporter à ce que j’ai dit p. 225, sur les voies de communication à établir entre l’amont et l’aval des rapides de Khong. Peut-être pourrait-on réunir Pnom Penh à Bassac par une route peu dispendieuse et plus rapide que celle du fleuve, en se servant du bras du Grand-Lac et de la rivière de Compong Soai. Il faudrait reconnaître le cours de celle-ci jusqu’à ses sources. Tout me fait supposer qu’on pourrait la réunir à la rivière de Tonly Repou par un canal très-court. La navigation à vapeur est possible entre Bassac et l’embouchure du Tonly Repou.