Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/233

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les anciens propriétaires furent réduits à la condition de simples usufruitiers. Ensuite Caius donna aux chevaliers une part dans les pouvoirs judiciaires, exercés exclusivement par le sénat, dont la vénalité avait excité le mépris public[1]. Trois cents chevaliers furent adjoints à trois cents sénateurs, et la connaissance de tous les procès se trouva dévolue ainsi à six cents juges[2]. Ces mesures lui attirèrent la bienveillance d’un ordre qui, hostile jusque-là au parti populaire, avait contribué à faire échouer les projets de Tiberius Gracchus.

Le succès du tribun fut immense ; sa popularité devint telle, que le peuple lui laissa le droit de désigner lui-même les trois cents chevaliers parmi lesquels se choisiraient les juges, et sa simple recommandation suffit pour faire nommer consul Fannius, un de ses partisans. Désirant enfin montrer son esprit de justice envers les provinces, il renvoya en Espagne le blé arbitrairement enlevé aux habitants par le propréteur Fabius. Les tribuns avaient donc, à cette époque, une véritable omnipotence ; ils étaient chargés des grands travaux, disposaient des revenus publics, dictaient, pour ainsi dire, la nomination des consuls, contrôlaient les actes des gouverneurs des provinces, proposaient les lois et les faisaient exécuter.

L’ensemble de ces mesures, favorables à un grand nombre d’intérêts, calma pour quelque temps l’ardeur de l’opposition et la réduisit au silence. Le sénat même se réconcilia en apparence avec Caius Gracchus ; mais au fond la haine existait toujours, et on suscita contre lui un autre tribun, Livius Drusus, avec mission de proposer des mesures destinées à

  1. On reprochait aux sénateurs des exemples récents de prévarication donnés par Cornelius Cotta, par Salinator et Manius Aquilius, le vainqueur de l’Asie.
  2. Toutefois l’Epitome de Tite-Live (LX) parle de 600 chevaliers au lieu de 300. (Voyez Pline, Histoire naturelle, XXXIII, vii. — Appien, Guerres civiles, I, iii, 22. — Plutarque, C. Gracchus, vii.)