Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/312

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ses soldats ; sa sévérité excitait leurs plaintes, et la nouvelle de l’arrivée des deux proconsuls de Cilicie, Acilius Glabrion et Marcius Rex, désignés pour commander une partie des provinces jusque-là sous ses ordres, avait affaibli le respect de son autorité[1]. Ces circonstances déterminèrent Manilius, tribun du peuple, à faire la proposition de donner à Pompée le gouvernement des provinces confiées à Lucullus, en y joignant la Bithynie, et en lui conservant le pouvoir qu’il exerçait déjà sur toutes les mers. « C’était, dit Plutarque, soumettre à un seul homme tout l’empire romain et priver Lucullus des fruits de ses victoires[2]. » Jamais, en effet, on n’avait conféré une telle puissance à un citoyen, ni au premier Scipion pour abattre Carthage, ni au second pour détruire Numance. Le peuple s’habituait de plus en plus à considérer la concentration des pouvoirs dans une seule main comme l’unique moyen de salut. Le sénat, taxant ces propositions d’ingratitude, les combattit avec force ; Hortensius prétendait que si l’on devait confier toute l’autorité à un homme, personne n’en était plus digne que Pompée, mais qu’il ne fallait pas accumuler sur un seul tant d’autorité[3]. Catulus s’écriait que c’en était fait de la liberté, et que dorénavant, pour en jouir, on serait forcé de se retirer dans les bois et sur les montagnes[4]. Cicéron, au contraire, inaugurait son entrée au sénat par un magnifique discours qui nous a été conservé ; il montrait que l’intérêt bien entendu de la République obligeait de remettre le soin de cette guerre à un capitaine dont les hauts faits passés, la modération, l’intégrité, répondaient de l’avenir. « Tant d’autres généraux, disait-il en terminant, ne partent pour une expédition qu’avec l’espoir de s’enrichir ! L’ignorent-

  1. Dion-Cassius, XXXV, xiv et xv.
  2. Plutarque, Pompée, xxxi.
  3. Cicéron, Discours pour la loi Manilia, xvii.
  4. Plutarque, Pompée, xxxi.