Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combat. Bientôt la droite d’Arioviste dut céder à son tour : la déroute alors fut générale ; les Germains ne cessèrent de fuir qu’en arrivant au Rhin, à cinquante milles du champ de bataille[1]. Ils descendirent sans doute la vallée de l’Ill jusqu’à Rhinau, parcourant ainsi de nouveau une partie du chemin par lequel ils étaient venus. (Voir planche 4.) César lança contre eux sa cavalerie ; tous ceux qu’elle atteignit furent taillés en pièces ; les autres tentèrent de passer le fleuve à la nage, ou cherchèrent leur salut sur des barques. De ce nombre fut Arioviste, qui se jeta dans une nacelle[2] qu’il trouva attachée à la rive. Suivant Plutarque et Appien[3], quatre-vingt mille hommes périrent dans le combat et pendant la déroute. Les deux femmes du roi germain eurent le même sort : la première était Suève, la seconde Norique ;

  1. Les manuscrits suivis par les anciens éditeurs des Commentaires portaient, quelques-uns le chiffre de 50 milles, la plupart celui de 5 milles. Il nous semble que César a écrit 50 milles. Cela est prouvé par les termes mêmes qu’il emploie, neque prius fugere destiterunt… qui ne sauraient se rapporter à une fuite de quelques milles seulement. De plus, le témoignage des anciens auteurs confirme le chiffre de 50 milles : Paul Orose rapporte que le carnage s’étendit sur un espace de 40 milles, Plutarque, sur 300 ou 400 stades, c’est-à-dire 35 ou 50 milles, selon les éditions, et J. Celsus (Pétrarque) (De vita J. Cæsaris, I, p. 40, éd. Lemaire) dit usque ad ripam Rheni fuga perpetua fuit, phrase où l’expression perpetua est significative.

    Les écrivains modernes, comprenant à tort que César avait indiqué la distance, c’est-à-dire la ligne la plus courte du champ de bataille au Rhin, ont longuement discuté sur le chiffre à adopter. Ils n’ont pas vu que le texte latin fait connaître non pas précisément la distance du champ de bataille au Rhin, mais la longueur de la ligne de retraite depuis le champ de bataille jusqu’au fleuve. Cette ligne a pu être oblique par rapport au Rhin, car il est probable que les Germains se sont retirés en descendant la vallée de l’Ill, qu’ils avaient remontée précédemment. Il convient donc de chercher vers Rhinau le point où ils ont tenté de repasser le fleuve.

  2. D’après Dion-Cassius (XXXVIII, l), Arioviste, suivi de ses cavaliers, réussit à échapper. Sur la rive droite, il rassembla les fuyards ; mais il mourut peu de temps après (Guerre des Gaules, V, xxix), peut-être à la suite de ses blessures.
  3. Appien, Guerre celtique, IV, i, 3. — Plutarque, César, xxi.