Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/123

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périence des soldats, acquise par tant de combats, et la présence des lieutenants auprès de chaque légion, vinrent suppléer au général et permettre à chacun de prendre de soi-même les dispositions qu’il croyait les meilleures. L’impétuosité des ennemis est telle qu’on n’a le temps ni de revêtir les insignes[1], ni d’ôter l’enveloppe des boucliers, ni même de mettre les casques. Chacun, abandonnant ses travaux, court se ranger en toute hâte sous la première enseigne venue.

L’armée, contrainte par la nécessité, était disposée sur la pente de la colline, bien plus d’après la nature du terrain et les exigences du moment que d’après les règles militaires. Les légions, séparées les unes des autres par des haies épaisses qui interceptaient la vue, ne pouvaient se prêter un mutuel appui ; elles formaient une ligne irrégulière et interrompue : la 9e et la 10e légion étaient placées sur la gauche du camp, la 8e et la 11e au centre, la 7e et la 12e sur la droite. Dans cette confusion générale, où il devenait aussi difficile de porter secours aux points menacés que d’obéir à un seul commandement, l’imprévu domina.

César, après avoir pris les dispositions les plus urgentes, s’élance vers les troupes que le hasard lui présente, s’adresse à elles à mesure qu’il les rencontre sur son passage, les harangue, et, arrivé à la 10e légion, il lui rappelle en quelques mots son ancienne valeur. Comme les ennemis n’étaient plus qu’à portée du trait, il ordonne l’attaque ; puis, se dirigeant vers un autre point pour encourager ses troupes, il les trouve déjà engagées.

Les soldats de la 9e et de la 10e légion lancent le pilum et fondent, l’épée à la main, sur les Atrébates, qui, exténués de leur course, hors d’haleine, percés de coups, sont bien-

  1. Les soldats portaient soit des peaux de bêtes sauvages, soit des plumets ou ornements désignant les grades. « Excussit cristas galeis » (Lucain, Pharsale, VII, vers 158).