Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/140

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navires, ils imaginèrent un moyen ayant quelque analogie avec celui auquel Duillius fut redevable de sa victoire sur les Carthaginois, en 492 : ils essayèrent de désemparer ces bâtiments gaulois à l’aide de gaffes (falces) semblables à celles dont on se servait dans l’attaque des places (non absimili forma muralium falcium)[1]. La falx était un fer à pointe et à crochet aiguisé et emmanché à de longues poutrelles qui, suspendues aux mâts par des cordages, recevaient une impulsion semblable à celle du bélier. Un ou plusieurs navires s’approchaient d’un bâtiment gaulois, et, quand leur équipage était parvenu à accrocher avec ces gaffes les cordages qui attachaient les vergues à la mâture, les matelots faisaient force de rames pour s’éloigner, de manière à rompre ou à couper les cordages. Les vergues tombaient ; le vaisseau désemparé était aussitôt entouré par les Romains, qui montaient à l’abordage : alors tout dépendait de la valeur seule. Cette manœuvre eut un plein succès. Les soldats de la flotte, sachant qu’aucun trait de courage ne pouvait rester inaperçu de César et des troupes de terre, rivalisèrent de zèle, et s’emparèrent de plusieurs bâtiments ennemis. Les Gaulois songèrent à chercher leur salut dans la fuite. Déjà ils avaient tourné leurs navires au vent, lorsque tout à coup survint un calme plat. Cet incident imprévu décida la victoire. Mis dans l’impossibilité de se mouvoir, les lourds, vaisseaux gaulois furent capturés l’un après l’autre ; un très-petit nombre put regagner la côte à la faveur de la nuit.

La bataille, commencée vers dix heures du matin, avait duré jusqu’au coucher du soleil. Elle termina la guerre des Vénètes et des peuples maritimes de l’Océan. Ils y perdirent

  1. On voit en effet, dans Végèce, que le mot falx s’appliquait à la tête d’un bélier armé d’une pointe et d’un crochet pour détacher les pierres des murs. « Quæ (trabs) aut adunco præfigitur ferro et falx vocatur ab eo quod incurva est, ut de muro estrahat lapides. » (Végèce, IV, xiv.)