Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/369

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César, n’étaient plus contenus par une haute intelligence et une volonté ferme. La force morale, si nécessaire à tout gouvernement, n’existait plus nulle part, ou plutôt elle n’existait pas là où les institutions voulaient qu’elle fût, dans le sénat ; et, selon la remarque d’un célèbre historien allemand, cette assemblée, qui gouvernait le monde, était impuissante à gouverner la ville[1]. Il y avait longtemps que l’ascendant d’un homme en évidence l’emportait sur celui du sénat ; Pompée, par sa renommée militaire, par son alliance avec César et Crassus, dominait toujours, quoiqu’il n’eût alors aucun pouvoir légal. César avait compté sur lui pour continuer son œuvre et refréner les mauvaises passions qui s’agitaient dans les hautes régions comme dans les bas-fonds de la société ; mais Pompée n’avait ni l’esprit ni l’énergie nécessaires pour maîtriser à la fois l’arrogance de la noblesse et la turbulence de certains partisans de la démagogie ; il fut bientôt en butte à l’animadversion des deux partis[2]. D’ailleurs, tout entier sous le charme de sa jeune femme, il semblait indifférent à ce qui se passait autour de lui[3].

Le récit des événements de Rome, pendant les huit années du séjour de César dans les Gaules, ne nous offrira plus qu’une suite non interrompue de vengeances, de meurtres et de violences de toute nature. Comment d’ailleurs maintenir l’ordre dans une si vaste cité sans une force militaire permanente, lorsque chaque homme important se faisait

  1. Mommsen, Römische Geschichte, III, p. 291. Berlin, 1861.
  2. Plutarque, Pompée, li, lii.
  3. « Lui-même se laissa bientôt amollir par l’amour qu’il avait pour sa jeune femme. Uniquement occupé à lui plaire, il passait des journées avec elle dans sa maison de campagne ou dans ses jardins, et ne songeait plus aux affaires publiques. Ainsi Clodius même, alors tribun du peuple, n’ayant plus pour lui que du mépris, osa se porter aux entreprises les plus audacieuses. » (Plutarque, Pompée, l.)